Cet article a été co-écrit avec nos partenaires du Lab.Transition : GOODVEST, LBPAM, MIROVA & SPIRICA
Quels reportings extra-financiers fournir à l’épargnant ?
Un besoin d’harmonisation et de transparence des pratiques et des méthodologies
Les réglementations ESG telles que la CSRD, la SFDR ou la Taxonomie européenne tentent de bâtir un langage commun autour de la durabilité et d’harmoniser le reporting extra-financier afin de flécher les investissements vers des actifs plus durables. Cependant, si ces cadres de reporting poussés peuvent être compréhensibles pour une maille B2B avec des acteurs qui disposent souvent d’équipes ESG dédiées (par exemple entre sociétés de gestion et institutionnels), elles sont très complexes à aborder pour l’épargnant particulier, qui s’intéresse pourtant de plus en plus aux placements responsables.
La compréhension de l’épargnant passe en premier lieu par l’harmonisation et la transparence des termes. En effet, les réglementations ESG elles-mêmes divergent entre elles. C’est le cas par exemple sur la notion même de durabilité entre SFDR et la Taxonomie Européenne. Le recours à une méthodologie de scoring ESG objective, fiable et transparente peut apporter un premier niveau d’indication à l’épargnant tout en dégageant des tendances sectorielles. Des sociétés telles que LBPAM ont d’ailleurs développé leur propre outil de scoring ESG, réplicable sur un grand nombre d’entreprises et de sociétés et partageant les informations selon différents niveaux de granularité.
Les labels : des repères pour les épargnants ?
Les labels tels que ISR, Greenfin, Finansol, CIES jouent un rôle majeur pour guider les épargnants et doivent donc être vecteurs de confiance et de clarté. Néanmoins, selon l’enquête Opinion Way de 2023 pour l’AMF, 69 % des Français ne connaissent aucun de ces labels. Un vrai travail de communication et de pédagogie doit donc nécessaire pour accompagner l’épargnant dans sa compréhension. C’est d’autant plus nécessaire que chaque label dispose de cahier des charges et de méthodologies distinctes.
De plus, leur manque de transparence reste encore vivement critiqué, ce qui suscite de la méfiance et de suspicion de greenwashing. C’est précisément pour répondre à ces critiques que le label ISR a récemment été refondu. Il a redéfini ses normes éthiques d’investissement en excluant notamment les entreprises ayant des activités dans le charbon, le pétrole et le gaz non conventionnels, ou encore tous les acteurs développant de nouveaux projets dans les hydrocarbures conventionnels. En effet en 2022, 80 % des fonds labellisés ISR étaient présents dans au moins une société en lien avec les énergies fossiles.
Reportings extra-financiers : offrir des indicateurs concrets aux épargnants
Face à la multiplicité des labels, des normes et des méthodologies de scoring, il est impératif de rendre les indicateurs extra-financiers intelligibles et concrets pour les épargnants afin qu’ils puissent mieux appréhender l’impact de leurs investissements.
Cela peut passer par exemple par la mise en place d’équivalences par rapport à des indicateurs de référence :
- Sur le climat : illustrer la tonne équivalent CO2 évitée par le nombre d’aller-retours entre Paris et New-York ;
- Sur la biodiversité : illustrer le MSA.km² (Mean Species Abundance) qui représente l’intégrité de l’écosystème, par la surface d’écosystèmes naturels impactés, indicateur déjà utilisé par des sociétés de gestion comme Mirova ;
- Ou via le recours à des indices de type Alignement sur l’Accord de Paris sur le Climat qui s’appuie sur des données scientifiques et dont la thématique est désormais connue du grand public.
Comment orienter le client vers des produits durables
Une pédagogie à mener auprès de l’épargnant
Un vrai travail de pédagogie adapté au client final est également nécessaire pour l’orienter vers des produits d’investissement durable. Plusieurs leviers peuvent être actionnés pour l’accompagner :
- Le recours à des actions de sensibilisation ou des formations dédiées sur des thématiques spécifiques en s’appuyant sur des acteurs de référence sur la place tels que CDC Biodiversité.
- La « gamification » tout au long du parcours client via la mise en œuvre de questionnaires personnalisés de recueil des préférences ESG, l’intégration d’équivalences pour la mesure d’impact ou encore le recours à des incitations ou récompenses. Goodvest, qui a coconstruit sa solution avec ses clients via du beta-testing, va ainsi intégrer un système de médailles pour valoriser le niveau d’impact des investissements de ses clients.
- La communication autour de l’impact concret des investissements (exemples de projets financés, résultats sur le long-terme à travers des KPIs définis en amont).
- La recours à la technologie avec, par exemple, la mise à disposition de chatbots permettant à tous de poser des questions ciblées sur la durabilité des investissements.
Une pédagogie à mener auprès des conseillers
Le conseiller reste le premier relai d’information des épargnants concernant leurs placements. Or, les visites mystères en agences bancaires ou en ligne réalisées par l’AMF entre septembre 2023 et mars 2024 ont relevé que, lors de plus d’un entretien sur deux, les conseillers manquaient de clarté et de pédagogie et que, dans deux cas sur trois, ils ne disposaient pas de connaissances suffisantes sur le thème de la finance durable.
Il est donc essentiel d’améliorer leur formation sur les principes de l’ESG et le fonctionnement des labels ainsi que sur le niveau de verdure de leur portefeuille et les politiques d’exclusion appliquées afin qu’ils puissent mieux orienter leurs clients. Une autre piste consisterait à indexer une part de leur rémunération sur la vente de produits durables.
Capitaliser sur le recueil des préférences ESG
Les réglementations telles que DDA et MIFID 2 imposent depuis août 2022 de recueillir les préférences des clients en matière de durabilité : la proportion d’investissement durables selon la classification SFDR, la proportion d’investissements alignés avec la Taxonomie Européenne et la prise en compte des PAI (Principale Adverse Impacts) relatifs à l’impact ESG des investissements.
Considérée comme une contrainte pour de nombreux distributeurs, cette obligation offre pourtant une réelle opportunité pour collecter de la donnée, la croiser avec les informations extra-financières des fonds, définir des tendances et ainsi repenser les offres de produits. Il faut bien évidemment veiller à ce que l’offre de produits durables proposée par chaque acteur soit alignée avec la granularité et les ambitions fixées dans les questionnaires ESG pour répondre aux attentes des épargnants.
Conclusion
Pour répondre à l’épargnant qui cherche aujourd’hui à concilier performance et durabilité dans ses placements, il est nécessaire d’enrichir son offre ESG avec des fonds qui reflètent les nouvelles tendances de marché, les fonds thématiques ou encore les fonds qui accélèrent la transition. Par exemple, l’offre de fonds en Euros labellisés reste largement insuffisante, alors que ceux-ci représentent encore aujourd’hui la majeure partie des encours des épargnants. Il existe ainsi des fonds Euro labellisés Finansol, comme le FPS MAIF Impact Solidaire, mais aucun ISR ni Greenfin. On peut également citer l’initiative de Spirica qui a lancé en 2024 le premier fonds en Euros Article 9 sur le marché.
Cet enrichissement peut aussi s’opérer en ouvrant progressivement l’accès au non coté dans les portefeuilles (via des fonds dédiés ou hybrides). Bien que la question de l’illiquidité demeure majeure s’agissant des épargnants finaux, le non coté a l’avantage d‘être plus concret et permet de sensibiliser les épargnants à une vision plus long-terme des retours sur investissement, intimement liée à la notion de durabilité. L’impulsion donnée avec la Loi Industrie Verte, qui vise à intégrer une partie d’actifs non cotés dans les formules de gestion pilotée à horizon et gestion pilotée profilée, doit ainsi être pérennisée.
Un article co-écrit avec nos partenaires du Lab.Transition :